Reportage ESOL - 4ème partie : Liège, la lutte contre le harcèlement en toile de fond d’ESOL

Comme de très nombreuses villes et communes de Wallonie, Liège développe différents projets dans le cadre de l’opération « Eté solidaire ». Parmi toutes ces initiatives intéressantes, qui ont occupé 48 jeunes durant l’été, l’une d’elles a particulièrement retenu notre attention.

Depuis quatre ans et demi, Éric, accompagnateur pédagogique, parcourt les écoles de la ville de Liège afin de transformer les « cours de récréation classiques » en « cours de récréation régulées ». Il nous explique : « Il s’agit d’un modèle, conçu par Bruno Humbeeck[1], qui vise à prévenir les situations de harcèlement en définissant différentes zones d’activités ». Ces espaces, différenciés par des couleurs au sol, sur les murs et les structures des préaux, identifient en bleu, les zones de calme, en jaune, celles où il est permis de courir et en vert, les endroits où les jeux avec ballons sont autorisés.

En plus de la peinture, les jobistes d’Eté solidaire ont également agrémenté les espaces de bancs, tables, bacs de fleurs, marelles, parcours au sol…Rien n’est oublié pour permettre aux élèves de cette école de Droixhe, de démarrer l’année scolaire sereinement. « C’est clair que les aménagements extérieurs manquaient ici » nous dit Pauline, 21 ans. « Ce n’était pas très joyeux à notre arrivée mais on a ajouté beaucoup de peps à cette école. En plus, on se voit avancer d’heure en heure et on peut dire que le résultat est déjà au rendez-vous ».

Abel, étudiant en 5ème secondaire, confirme : « On se répartit le travail en début de journée et si on veut changer de tâche en cours de journée, ce n’est jamais un souci. De cette manière, c’est assez varié et le temps passe vite ». Pour lui, l’expérience est un peu différente car il connaissait l’école : « Au début, j’ai pris ça comme un travail normal mais je me suis vite mis à la place des élèves qui allaient découvrir une nouvelle école à la rentrée et ça m’a donné envie de donner plus. J’avais déjà travaillé dans la restauration, c’était chouette, mais ici ça me plait mieux ».

Pour Éric, les jeunes doivent être responsabilisés pour que cela se passe bien : « Cela fait deux ans que j’accompagne les étudiants sur ce projet et après quelques adaptations, je peux dire que c’est du pain béni. On fait entre deux et trois écoles sur la quinzaine et il est important de les laisser libres d’organiser leurs tâches quotidiennes tout en gardant un œil sur le travail. La seule chose que je demande est de ne pas utiliser son téléphone en dehors du lunch, sauf si c’est pour mettre de la musique car ça rend le travail plus agréable (…) En fin de journée, je leur demande leur avis, on débrief’ : Que manque-t-il ? Comment peut-on encore améliorer les espaces ? C’est important de les inclure dans les décisions ».

Nassim poursuit : « De mon côté, c’est via les éducateurs de la Maison de jeunes que j’ai appris l’existence d’Eté solidaire. Les grands du quartier m’en avaient aussi déjà parlé et ils m’ont aidé à compléter mon inscription. » Malgré son bras dans le plâtre, il ne se décourage pas : « j’ai déjà travaillé dans la restauration et dans un car-wash mais c’est très chouette ici aussi, même si on doit aller à l’école pendant les vacances. Ça c’est bizarre ».

Nadège et Timour, cela ne les dérange pas de travailler dans une école durant les vacances. « On va rendre les enfants heureux grâce à cette méthode. Je ne connaissais pas ce style d’aménagement avant mais j’aurais apprécié de fréquenter une école primaire décorée comme ça, avec des endroits plus calmes et des zones de jeux » nous dit la première. Timour, qui a eu vent de l’opération grâce à son école de devoirs, renchérit : « C’est sûr, on va apporter de la joie grâce à notre travail. Et de la tranquillité pour les filles car ce sont souvent les garçons qui courent partout durant les récrés ».

Ce n’est pas Éric qui le contredira : « Statistiquement, il a été calculé qu’à eux seuls, 20% des garçons occupent 80% de l’espace d’une cour de récréation. Dès lors, s’il est bien expliqué aux enfants dès la rentrée, c’est un système qui permettra à tous de bénéficier librement de leur propre espace d’expression et aux accompagnateurs scolaires, d’assurer la maîtrise des espaces et de ce qui s'y déroule ». Sur ces bonnes paroles, la sonnerie retentit. . Nous quittons une école où il fera assurément bon vivre en septembre.

 

[1] Titulaire d’un Master Européen de Recherche en Sciences de l’Education et d'un doctorat en Sciences de l’Education de l’Université de Rouen, Bruno Humbeeck est actif à la fois sur le terrain en tant que psychopédagogue et en tant que directeur de recherche au sein du service des Sciences de la famille de l'Université de Mons. Plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Humbeeck

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